Julien Bertel, chargé de projet Stratégie d'achats à la Communauté d'Agglomération Le Cotentin (50)

Adhérente depuis 2023 au RAN COPER,  la Communauté d’agglomération du Cotentin prend part aux réunions techniques (COPIL) et au groupe de travail SPASER, lancé en septembre 2023 aux côtés d’une quinzaine de structures normandes. Julien Bertel, chargé de projet Stratégie d'achats, nous raconte son expérience de consolidation d’une démarche d’achats durables !

Origine et organisation des démarches d’achats responsables dans la structure

Quand les démarches ont-elles été amorcées ?

Dès son élection en juillet 2020, le nouvel exécutif a identifié les marchés publics comme un levier essentiel de développement économique. Plusieurs actions emblématiques ont été ainsi menées (Ier Forum des achats publics en décembre 2022, marchés de denrées alimentaires en circuits courts) et très vite, la volonté politique a été de monter un schéma de promotion des achats socialement et écologiquement responsables (SPASER) pour formaliser une démarche d’achats publics responsables, bien avant que l’agglomération y soit assujettie. Le SPASER sera soumis au prochain conseil communautaire, en avril 2024.

Avant cela, depuis sa création en 2017, le Cotentin portait une attention très particulière à l’inclusion dans ses marchés. Nous travaillons d’ailleurs quotidiennement avec la Maison de l’emploi et de la formation du Cotentin (MEF) en ce sens.

Quels sont les différents services impliqués ?

Notre SPASER s’élabore dans une démarche de co-construction.

Le président de l’agglomération puis les élus réunis en commissions prospectives se sont emparés du sujet et ont fixé leurs priorités : ce SPASER met par exemple le curseur sur le volet économique, le développement de l’alternance, et la préservation de la ressource en eau. Il est en prise directe avec la géographie du territoire et les politiques publiques décidées par le conseil communautaire. En ce sens, ce SPASER sera vraiment celui du Cotentin.

Ces priorités et objectifs fixés, nous avons ensuite associé les directions techniques (direction du cycle de l’eau, direction de l’ingénierie et des bâtiments) et celles porteuses d’autres politiques en lien avec le développement durable (schéma directeur de l’inclusion, plan d’action ESS, PCAET). C’est avec les différentes directions du Cotentin, dans le cadre d’un atelier et en co-animation avec le RAN COPER, que nous avons imaginé les actions à mettre en œuvre pour répondre aux orientations politiques de nos élus.

En ce qui concerne les acteurs externes, nous avons travaillé avec les fédérations professionnelles, les chambres consulaires et la MEF qui peuvent nous faire part de leurs propositions et de leurs attentes, mais aussi de leurs contraintes. C’est à notre sens un point essentiel pour la construction d’une politique d’achats : les opérateurs économiques doivent être associés.

Sur quels types de marchés ?

Nous ne ciblons pas de marchés en particulier. C’est d’ailleurs une demande de nos élus. On peut faire du développement durable partout, à des niveaux différents, même si cela se fait plus facilement sur certains marchés que sur d’autres. C’est à nous d’être inventif pour trouver de nouvelles modalités permettant d’agir pour le développement durable.

Zoom sur un marché

Dans le cadre de notre programmation des achats 2024-2025, nous rencontrons les services prescripteurs pour définir nos axes de travail en termes d’achats responsables, et nous interrogeons ensemble chaque projet de marché : la problématique de l’inclusion (qui est centrale dans notre structure), le recours au sourçing et au benchmark, la mise en place de plans de progrès, le recours aux variantes, etc.

Le projet de réhabilitation et d’extension de l’Institut national des sciences et techniques de la mer (Intechmer) est assez exemplaire. Le projet a été pensé pour que le nouveau bâtiment s’intègre dans le paysage actuel avec un projet de renaturation du site. Nous avons également mis en place une démarche en faveur du réemploi : la dépose préservante des équipements permet leur réemploi sur site ou hors site (luminaires, plomberie, sanitaires, serrurerie, etc.). L’ancienne serre d’Intechmer est utilisée comme entrepôt durant le chantier et sera transformée en abri à vélos une fois les travaux terminés.

Autre innovation : ce projet comporte la conception de deux bétons innovants, éco-conçus, l’un intégrant des sédiments de dragage issus du port de Cherbourg-en-Cotentin, l’autre des produits coquilliers recyclés (coquilles Saint-Jacques). La fin des travaux est prévue pour 2026.

Connexion avec les actions du RAN COPER

Comment la Communauté d'Agglomération s'est-elle impliquée dans la vie du réseau ?

La communauté d’agglomération du Cotentin est adhérente depuis 2023 au Ran-Coper. Elle prend part aux réunions techniques (COPIL) et au groupe de travail SPASER lancé en septembre 2023 aux côtés d’une quinzaine de structures normandes.

Quelles ressources êtes-vous venus chercher en adhérent au RAN COPER ?

Nous sommes d’abord venus chercher des conseils et ressources plus approfondis et spécifiques en termes d’achats publics responsables que ce que peuvent nous apporter les dispositifs accessibles à tous, comme le Guichet vert par exemple. Et bien sûr, l’effet réseau est intéressant pour être mis en relation avec des acheteurs qui partagent nos objectifs et qui suivent une même dynamique.

La communauté d’agglomération du Cotentin a déjà eu recours au Conseil aux adhérents, qui apporte une expertise technique et juridique spécifique au projet d’achat concerné. Par exemple, en janvier 2024, nous avons bénéficié d’un accompagnement personnalisé sur la question épineuse de la responsabilité étendue au producteur des produits et matériaux de constructions de bâtiments (REP PMCB).


Nous maîtrisons le volet juridique et les aspects procéduraux. Nos attentes portent plus sur la valorisation des retours d’expériences de nos collègues normands, le maintien des tissus locaux, les questions d’attractivité économique et de développement des filières, et sur les questions d’innovation par exemple.

Analyse des résultats de vos expériences d’achats responsables et perspectives

Quelles leçons tirez-vous des démarches d'intégration du développement durable dans la commande publique jusqu'à présent ?

Il existe de nombreuses façons d’envisager le développement durable à travers les achats. Beaucoup de choses sont faisables, et parfois concernant des secteurs et des services auxquels on n’aurait pas pensé au premier abord. Il faut rester ouvert. C’est pour cela que l’on s’efforce de ne pas imposer des contraintes trop fortes sur les entreprises à travers des clauses trop contraignantes ou des critères trop sévères par exemple. Nous essayons au contraire d’ouvrir de plus en plus nos marchés par le recours aux variantes. On essaye également d’accompagner les entreprises à évoluer en faveur du développement durable, à travers la mise en place de plans de progrès, entre autres. De cette manière, on laisse la possibilité à de nombreux candidats de nous proposer leur offre et de progresser avec nous. On utilise aussi beaucoup le sourcing : par exemple, nous avons travaillé de concert avec la chambre d’agriculture locale sur un marché de denrées alimentaires pour intégrer des leviers, tels que l’allotissement, permettant la participation des plus petits agriculteurs.

Quelles sont vos perspectives pour aller plus loin dans votre démarche ?

Outre des actions que nous pouvons rapidement mettre en œuvre, notre projet de SPASER comportera des mesures que nous souhaitons expérimenter à l’horizon 2026, pour aller plus loin. Nous continuons aussi de favoriser les filières d’économie circulaire et la mise en place de plans de progrès, pour répondre aux objectifs d’intégration des enjeux environnementaux et sociaux dans les marchés.